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Rencontre : Charlie Winston

Publié par Antoine le 20 janvier 2020

En 2015, tu tournais avec « Curio City », ton album précédent, et tu avais dit que c’était une sorte d’album transition à cette période de ta vie. Est-ce que c’est toujours le cas avec « Square 1 » ?

Non, « Square 1 » est un album qui traite de la façon dont j’ai réalisé qui j’étais devenu. C’est une façon de recommencer depuis le début, de me recréer. Ça doit paraître étrange de voir que sur mes couvertures d’album c’est moi avec mon chapeau mais c’est plutôt un virage personnel dans lequel je suis pour le moment.

Square 1, ça veut dire revenir au début de quelque chose, être sa propre page blanche mais pour cet album, tu t’es entouré d’une équipe pour la première fois. Du coup, comment est-ce que tu as fait le compromis entre un retour aux sources et nouveauté ?

M’entourer de personnes, c’était parce que je ne voulais pas avoir directement toutes les réponses, je voulais que des personnes y contribuent. C’était donc une façon pour moi de me laisser aller et de laisser venir les idées musicales des autres. En fait, pas forcément les idées mais le jeu parce que j’étais avec mon groupe tout le temps donc on a joué, joué, joué. Je voulais que tout ça grandisse naturellement sans que ça ne soit forcé.

Tu étais censé partir en Afrique il y a un moment mais ça a été annulé à cause de tes problèmes de santé et ceux de ton fils. Est-ce que cet album est une autre façon de concrétiser ce voyage ?

C’est fou que tu en parles parce qu’on a parlé du fait de refaire ce voyage la semaine dernière avec ma femme ! On a vraiment envie parce que c’est très décevant que ça ne se soit pas fait, on devait partir quatre mois. Je ne peux pas vraiment faire ce voyage pendant que je fais la promotion de cet album, c’est quelque chose que je dois faire séparément.

Tu as dit plusieurs fois que tu ne voulais pas être considéré comme un artiste engagé mais tes chansons et certaines de tes actions sont teintées d’engagement. Selon toi, où se situe la frontière entre art et engagement ?

En anglais, « an activist » n’a pas le même sens qu’en français je crois, c’est une étiquette et je ne la veux pas. Je ne veux pas que les gens me regardent et disent « oh Charlie Winston est engagé ! » parce que je sais que les étiquettes peuvent avoir des mauvaise connotations. Ça peut être bien pour les gens qui encouragent ce genre de choses et qui se disent « Super, il pourrait nous aider, blablabla » mais pour les personnes qui n’encouragent pas ça, elles pourraient avoir une opinion sur moi avant même de m’avoir rencontré. Donc je n’aime tout simplement pas les étiquettes. En fait je n’aime pas qu’on m’appelle de quelque manière que ce soit. Je n’aime pas non plus qu’on m’appelle « musicien pop », je ne me considère pas comme ça même si je chante vraiment. C’est vraiment une question d’étiquette.

« Here I Am » est probablement la chanson la plus personnelle sur « Square 1 »…

Oui et non ! Elles sont toutes personnelles en réalité, celle-ci est juste plus directe.

D’accord ! Ma question alors est la suivante : comment est-ce que tu fais, en tant que personnage publique, pour parler de toi sans en dire trop sur ta vie privée ?

C’est une bonne question, une très bonne question ! (il réfléchit) Je pense qu’il y a une différence entre les expériences internes comme les émotions personnelles et la vie privée en elle-même. Dans mes chansons, je ne donne pas de noms de personnes, je ne parle pas précisément de certaines choses qui me sont arrivées.

Il s’agit plutôt de sentiments dans ce cas ?

C’est ça, c’est surtout des émotions et des sentiments personnels. Au plus personnel tu te rapproches de ta vie émotionnelle, au plus c’est facile pour les gens de s’identifier parce qu’on a tous des émotions, des expériences de vie. C’est une partie de mon travail je pense de me connecter le plus possible avec toutes ces émotions. C’est la seule façon pour les gens de comprendre ou de faire preuve d’empathie en étant en connexion avec la musique.

Tu as dit une fois dans une interview que tu jouais tes concerts sans setlist en parlant de l’idée de fail forward. Comment est-ce que tu prépares tes concerts du coup ? Tu n’as pas peur de jouer sans filet ?

Eh bien ça a changé maintenant ! C’était au début de cette tournée parce que je voulais vraiment le faire, pour ça et pour toutes les autres choses. Toutefois, mes musiciens, qui sont aussi des amis très proches, ont voulu partir et je le comprends très bien parce que c’était pour leurs propres projets sauf qu’ils connaissaient pratiquement cinquante de mes chansons donc sur scène, quand je démarrais telle ou telle chanson, ils savaient exactement quoi faire ! Les perdre a changé beaucoup de choses pour moi mais c’était aussi très amusant de monter sur scène en improvisant mon set. Par contre, ça l’était moins pour mes techniciens qui étaient complètement perdus le temps de comprendre ce qu’il se passait. Ils ne parvenaient pas à créer un set parfait. J’étais déçu bien sûr parce que j’adorais l’impro et ça se ressentait aussi dans le public. En plus je revisitais des vieilles chansons que je n’avais plus jouées depuis longtemps mais voilà, je voulais vraiment donner un bon show à mon public et les lumières sont un aspect très important d’un bon concert.

Ce soir, tu joues un concert solo. Comment t’est venue cette idée de jouer sans musicien ?

Comment je me sens ? Je ne sais pas trop… En fait ça dépend des jours. J’aime bien les deux configurations en fait. Être tout seul rend le concert plus stressant parce que je suis vraiment seul avec moi-même et je joue de la basse, de la guitare, du tambourin, du piano, je fais du beatbox…

Tu es une sorte de juke-box !

(Rires) Oui et c’est super parce que je veux que ça sonne mais c’est énormément de choses à penser ! Mais d’un autre côté, je n’aime pas regarder les personnes qui utilisent des pédales loop (ndlr : une pédale qui permet d’enregistrer une boucle musicale) parce que le temps d’enregistrer, ils ne chantent pas donc j’ai essayé de penser mon set de façon à ce que je chante et que je crée les arrangements autour de ça. Je dois séparer mon cerveau entre les chansons et les parties techniques pour savoir ce que je suis en train de faire !

Tu es ici et là en même temps !

Exactement mais ça prend énormément de temps et d’entraînement pour arriver à ce résultat.

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